Marie - Épilogue — La lumière blanche


 

(Années plus tard, Alger)

L’après-midi chauffe doucement les murs blanchis à la chaux. Marie s’assoit devant la fenêtre ouverte. En bas, un vendeur ambulant chante d’une voix ronde. Étienne, devenu homme, porte une casquette de mécanicien et des mains d’huile et de sel.

M’man, je passe au port, lance-t-il. Je rentre avant la nuit.
Mange quelque chose, répond-elle. Tu deviens plus mince que ton ombre.
Je mangerai là-bas.

Il claque la porte en riant. La pièce retrouve son calme. Marie ouvre un tiroir, sort une enveloppe vieille comme une branche sèche. La lettre de Savournon est toujours là. Elle la touche sans l’ouvrir, comme on poserait la main sur une pierre chaude.
Puis elle saisit le petit oiseau de bois. Les ailes, à force d’être caressées, sont devenues lustrées comme du miel.

Je ne suis pas morte là-bas, Joséphine, murmure-t-elle, les yeux fermés. Je suis venue jusqu’ici, tu vois ?
Le vent du large entre et soulève un coin du rideau. Au loin, la mer roule, bleue et sûre comme une promesse tenue.

Un pas s’arrête sur le seuil. Jean n’est plus là depuis des années, mais la maison a gardé sa respiration. Marie sourit, remet l’oiseau dans le tiroir, se lève avec lenteur.

On a vécu, quand même, dit-elle à mi-voix. On a eu peur, on a aimé, on a recommencé.
Elle tire les persiennes. La lumière d’Algérie découpe son profil comme une gravure claire.
Dans le bourdonnement de l’après-midi, on dirait que la maison répond : Oui. Vous avez vécu.

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