Joséphine - Chapitre 4 — Les années heureuses
Le mariage de Joséphine et Jean marqua le début d’une nouvelle vie.
La maison était modeste, mais elle respirait la chaleur des choses simples.
Derrière les vitres étroites, les rires d’enfants résonnaient à nouveau.
Dans la cour, les deux fillettes couraient entre les seaux et les sarments, leurs jupes soulevées par le vent.
Pour la première fois, Joséphine n’avait plus honte.
Plus besoin d’éviter les regards.
Elle portait désormais un nom, un mari, et cette paix intérieure que seule la reconnaissance peut donner.
Jean se levait avant l’aube.
Dans la brume du matin, il partait tailler les vignes, les mains déjà couvertes de terre et de rosée.
Joséphine, elle, préparait le repas du midi, lavait, cousait, s’occupait des enfants.
La vie était rude, mais régulière, rythmée par les saisons.
Les vendanges de 1861 furent généreuses.
Le vin prit ce goût rond et plein que Jean aimait tant.
Le soir, ils s’asseyaient sur le banc de pierre devant la maison.
Les fillettes jouaient à leurs pieds, et Joséphine s’autorisait à rire, à parler d’avenir, à rêver même.
Puis vint une nouvelle joie.
Au cœur de l’été 1862, elle annonça sa grossesse.
Jean posa sa main sur la sienne, ému, silencieux.
Ce serait leur premier enfant à eux deux.
Le 6 septembre 1862, un garçon naquit : Jean-Jacques.
Un bébé robuste, aux yeux sombres et au regard déjà attentif.
Les deux sœurs, émerveillées, se penchaient sur le berceau, riant de ses grimaces.
Ces années-là furent douces.
Les récoltes bonnes, la santé présente, la maison pleine de vie.
Le dimanche, la famille allait à la messe, puis partageait un repas simple sous la treille.
Le soir, Joséphine filait la laine pendant que Jean racontait les histoires de son père, les vendanges d’autrefois, les hivers de neige.
Parfois, elle levait les yeux vers lui et pensait qu’elle avait enfin trouvé sa place.
Une femme aimée.
Une mère comblée.
Une vie ordinaire, mais heureuse.
Elle ne savait pas que le temps, déjà, comptait ses jours.
Qu’au-delà des collines des Vosges, d’autres saisons s’approchaient — plus sombres, plus courtes.
Mais pour l’heure, le soleil se couchait lentement sur Colmar, dorant les vignes, caressant les visages.
Et Joséphine, assise sur le pas de la porte, tenait dans ses bras son fils endormi.
Autour d’elle, les rires, les odeurs de terre et de vin, la douceur d’un soir d’été.
Un instant suspendu.
Un bonheur fragile.
Et éternel.
Chapitre 5 - L'hiver des berceaux

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